Je m’appelle Julien, j’ai 51 ans, et je suis aidant pour mon père depuis un peu plus de trois ans. Il a fait un AVC assez sévère, qui a affecté sa mobilité et sa mémoire. Depuis, il ne peut plus vivre seul.
Je suis fils unique. Ma mère est décédée, et c’est tout naturellement que j’ai pris le relais. Je n’ai même pas réfléchi : je l’aime, je suis en bonne santé, je travaille à mon compte, alors j’ai dit oui.
Très vite, j’ai voulu bien faire. Trop bien faire. J’ai pris tous les rôles : chauffeur, infirmier, assistant administratif, coordinateur médical, gestionnaire du planning, acheteur de couches et de médicaments... Et aussi fils.
Mais au fond, je n’étais plus vraiment le fils de mon père. J’étais devenu son pilier, son repère, son interface avec le monde. Et je le faisais sans me plaindre — extérieurement.
J’avais la sensation que c’était à moi de porter ça. Que si je déléguais, c’était que je n’étais pas à la hauteur. Je me disais : « Personne ne fera aussi bien que moi. »
Alors je faisais tout. Tout le temps. Sans demander.
Je me souviens d’un jour très précis. J’ai éclaté en sanglots en pleine réunion Zoom. Je n’en pouvais plus. J’étais à bout de souffle, irritable, insomniaque, vidé. Mon corps me parlait, mais je ne l’écoutais plus.
C’est une assistante sociale, à qui je téléphonais pour une demande de prise en charge, qui m’a arrêté dans mon flot de questions et m’a dit, très calmement :
« Monsieur, vous n’avez pas à tout faire seul. »
Cette phrase a résonné fort. C’était simple, presque évident. Mais je ne m’étais jamais autorisé à l’entendre. Moi qui me croyais “fort”, j’étais simplement en train de m’oublier.
J’ai commencé petit. J’ai accepté qu’une auxiliaire vienne une fois par semaine. Puis deux. J’ai proposé à mon oncle de venir un week-end sur deux. J’ai demandé de l’aide à la mairie pour l’adaptation de la salle de bain. Et j’ai commencé à dire autour de moi : « Je suis aidant. »
Je croyais perdre du contrôle. En réalité, j’ai gagné du soutien. Et surtout, j’ai retrouvé un peu de mon identité. Je ne suis pas qu’un aidant. Je suis aussi Julien. Un homme, un fils, un ami.
Et aujourd’hui, je peux dire que je suis un aidant entouré, et non plus un aidant seul.
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